Inflammation, perméabilité intestinale & dysbiose

L’autre jour, en voulant faire un pudding avec le pain rassis, je me suis coupée. Ça m’a fait mal sur le coup, mais la douleur s’est réellement fait sentir le lendemain. La coupure est devenue gonflée et rouge.

 

Pourquoi observe-t-on ce phénomène ?

 

Lorsque notre organisme est attaqué par des agents pathogènes, il se défend. Des cellules immunitaires sont envoyées sur le champ de bataille, et leurs actions vont provoquer une inflammation.

 

 

Ok, mais quel est le rapport avec nos intestins ?

 

Attendez un peu…

 

Vous vous souvenez peut être que 80% de nos cellules immunitaires sont dans notre tube digestif. Elles aident à nous protéger contre les micro-organismes pouvant se trouver dans nos aliments.

 

Si nos intestins sont attaqués en permanence, et qu’en plus, notre microbiote n’est pas en grande forme, les cellules intestinales s’enflamment, comme ma coupure sur le doigt !

 

Il n’est pas possible de sentir l’inflammation qui a lieu dans notre ventre de la même façon que celle  provoquée par une coupure. Pourtant, elle est identifiable par des signes visibles.

 

A ce stade, vous vous demandez probablement, mais pourquoi notre microbiote ne peut pas nous protéger contre tout, et pourquoi nos intestins s’enflamment?

 

Le but de cet article est de vous expliquer comment un déséquilibre du microbiote induit une imperméabilité de la paroi intestinale, engendrant une inflammation qui est à l’origine de nombreux maux.

 

 

Parlons d’abord de l’inflammation et pourquoi est-elle si nocive

 

Les deux types d’inflammations

Il faut faire la différence entre l’inflammation aigüe, c’est-à-dire passagère (appendicite ou gastro-entérique par exemple), et chronique. Dans ce dernier cas, on parle alors de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin : les MICI. On retrouve la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Elles se manifestent par phases : phase de douleurs, dite la phase de poussée, et des périodes dites de rémission.

 

NB : le syndrome de l’intestin irritable n’est pas considéré comme une maladie, mais un ensemble de symptômes. Pour en savoir plus, retrouver mon article complet à ce sujet.

 

Dans les MICI, l’inflammation est visible et provoque un ensemble symptômes que l’on a identifié et regroupé afin de leur donner un nom.

 

Cependant, nombreux d’entre nous souffrent d’une inflammation chronique, sans souffrir de MICI, et sans même le savoir.

 

Qu’est ce qui provoque l’inflammation ?

L’inflammation aigüe est provoquée généralement par une infection. Elle peut être virale, bactérienne ou parasitaire.

 

Concernant l’inflammation chronique, c’est plus compliqué. Un ensemble de facteurs peuvent provoquer et faire perdurer l’inflammation : mauvaises habitudes alimentaires, prise de médicaments, contraception, tabagisme, pollution, inflammation aigüe non traitée par l’organisme…

 

Dans tous les cas, l’inflammation est due à une perméabilité intestinale causée elle-même par un déséquilibre de notre microbiote intestinal.

 

Imaginez que nos cellules intestinales sont une barrière. Elles sont collées entre elles, mais ne sont pas complètement hermétiques. Elles laissent passer les nutriments qui sont de très petites tailles mais nous protègent contre les pathogènes ou autres toxiques. Or, parfois, l’espace entres nos cellules s’agrandissent, elles ne jouent plus leur rôle de protection, et des fragments d’aliments (peptides) et des toxines peuvent entrer dans la circulation sanguine.

L’organisme peut alors déclencher l’artillerie face à ces factions protéines qu’ils considèrent comme des ennemis. Notre système immunitaire est surexcité: c’est l’inflammation.

 

 

 

Pourquoi notre intestin devient perméable ?

La raison principale d’un leaky gut (intestin poreux), est la dysbiose, c’est-à-dire un déséquilibre de notre microbiote. En voici les principales causes :

  • Un déséquilibre alimentaire :
    • Excès de sucres, favorisant entre autre la croissance de levures telle que Candida spp. On peut observer dans certains cas un SIBO (Small Intestine Bacterial Overgrowth).

 

    • Excès de protéines (animales) qui va induire la production de métabolites toxiques pour les cellules de la muqueuse intestinale par notre microbiote (sulfure d’hydrogène, p-cresol…) et favoriser la fermentation génératrice de méthane.

 

    • Excès de graisses. Une étude chez les souris a montré qu’après un mois seulement d’un régime alimentaire composé à 70% de lipides, leur microbiote a été modifié : certaines bactéries proliféraient, d’autres disparaissaient. De plus, l’épithélium (tissu de l’intestin) produit des peptides antimicrobiens et du mucus, empêchant ainsi les bactéries de traverser la paroi et donc de se retrouver dans notre sang. Cette production de peptides et de mucus a également diminué chez les souris au cours de l’expérience. Certes, le pourcentage de graisse était très élevé, mais cette étude peut intéresser ‘les pro-régimes cétogènes’. (Je ne suis pas contre ce régime qui a prouvé son efficacité dans certaines pathologies).

 

Alimentation riche en produits ultra-transformés et donc en additifs qui perturbent le microbiote.

 

 

    • Consommation de produits contenants des édulcorants qui peuvent, par exemple, inhiber la croissance ou les fonctions de nombreux micro-organismes.

 

    • Le manque de végétaux, donc de fibres, de prébiotiques et de minéraux essentiels aux bactéries.

 

    • Consommation de graisses hydrogénées (c’est-à-dire que l’on a ajouté des molécules d’hydrogènes dans le but de les rendre plus stable à la chaleur, ultra pratique pour les industriels…moins pour notre microbiote !). Les acides gras trans, sont des graisses partiellement hydrogénées et/ou désodorisées et/ou chauffées à haute température. On suspecte que les graisses trans affectent la production des acides gras à chaines courte qui jouent un rôle important dans la communication entre le système immunitaire, le microbiote et le métabolisme des graisses. Ils sont accusés de favoriser entre autre l’inflammation et de perturber notre métabolisme.

 

    • Mauvais ratio oméga 6/oméga 3. Ce dernier devrait être de 4 :1, mais dans les sociétés occidentales, il se situe plus autour des 15 :1. Les omégas 6 en déséquilibre par rapport aux omégas 3 sont pro-inflammatoires.

 

  • De mauvais comportements alimentaires :
    • Mastication trop faible. La digestion des glucides débutent dans la bouche grâce à l’action des enzymes contenues dans la salive. Si les glucides ne sont que partiellement découpés lors de leur arrivée dans l’intestin, ils sont mal digérés et peuvent fermenter.

 

    • Consommation excessive et régulière d’alcool. Il a été démontré que le microbiote de gros consommateurs d’alcool présentent moins de Lactobacilles (bactéries à effet anti-inflammatoire), mais davantage de bactéries de la famille des Actinomyces, Leptotrichia, Cardiobacterium et Neisseria, qui en trop grande quantité peuvent devenir dangereuses.

 

    • Des prises alimentaires très fréquentes. Notre corps est doté de complexes myoélectriques migrants (ou complexe moteur migrant). C’est une contraction musculaire naissant dans l’estomac qui est responsable du péristaltisme. Les complexes sont séparés en 3 phases. Lorsque l’estomac est vide, nous passons en phase 3, qui est une succession de contractions régulières poussant les résidus alimentaire vers le colon. Vous avez très certainement déjà entendu votre CMM en phase 3 lorsque vous avez entendu votre estomac gargouiller.

Le CMM est en quelque sort le balai qui nettoie les résidus alimentaire. Si vos prises alimentaires sont très rapprochées (moins de 3h entre chacune), le CMM ne passe pas en phase 3, et ne joue pas son rôle de housekeeper de l’intestin. C’est un peu comme si vous salissiez votre maison avant même d’avoir fini de la nettoyer. Les résidus alimentaire dans vos intestins ne s’évacuent pas correctement, et peuvent putréfier et nourrir certaines bactéries qui, pour notre bien, devraient ‘être au régime’.

 

  • Prise de médicaments
    • Les antibiotiques. Comme vu dans mon article sur le SII et le microbiote, les antibiotiques sont des bulldozers qui détruisent tous sur leur passage. Si l’on ne prend pas garde à régénérer sa flore après un traitement, un déséquilibre peut apparaitre.

 

    • La pilule contraceptive

 

    • Les inhibiteurs de pompes à protons (ou antiacides). Ces médicaments bloquent la sécrétion d’acide chlorhydrique au niveau de l’estomac. Or, on l’a vu dans cet article, si le corps produit de l’acidité, c’est qu’il en a besoin ! Sans acide chlorhydrique, le bol alimentaire ne peut être aseptisé correctement.

 

  • Le « mauvais stress »

Il faut faire la distinction entre le bon stress qui vous pousse en dehors de vos limites et celui qui vous domine et vous empêche de vivre sereinement.

 

 

  • La pratique intensive du sport.

Les sportifs d’endurance sont plus à risque de dysbiose car lors des efforts de longues durées, le sang afflux en priorité vers les muscles. Le tube digestif n’est donc plus aussi bien oxygéné, induisant une perturbation de l’équilibre qui y règne.

 

  • La constipation

    Si les déchets ne sont pas évacués correctement, des micro-organismes peuvent se développer et produire leurs propres déchets pouvant fragiliser la muqueuse, et induire une perméabilité intestinale. Pour en savoir plus, retrouvez mon article sur le sujet.

 

Voici une petite expérience expliquée par Tim Spector dans son livre The Diet Myth que je souhaite partager :

Pendant 10 jours, son fils a consommé uniquement des repas venant de fast-food. A la fin de l’expérience, le pourcentage de Bacteroïdes (types de bactéries qui sembleraient facilité la prise de poids car elles ont la capacité d’extraire un maximum de calories des aliments) est passée de 25 à 58%. La population de Firmicutes a elle diminué, passant de 72 à 28%. Mais le plus intéressant : la diversité du microbiote a été décimée de 40% en moins de 3 jours !

 

 

Cela montre bien que l’alimentation impacte directement et rapidement sur notre microbiote, et qu’une alimentation déséquilibrée est néfaste.

 

Chaque espèce a une préférence envers certains aliments car ils leur permettent de se nourrir et de se reproduire. Elles feront tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer leur survie, jusqu’à donner envie à l’hôte de consommer la même source de nourriture, aussi néfaste soit-elle pour lui. Elles peuvent même tuer les autres bactéries, à l’image d’Enterobacter, qui produit une endotoxine (B29) qui attaque les cellules de ses compétitrices dans certaines conditions.

 

 

A savoir : plus votre microbiote est diversifié, meilleure sera ! Il n’y pas en soit de « bonnes » ou « mauvaises » bactéries, tout est une question d’équilibre!

 

 

Maintenant que l’on a vu ce qui provoque une dysbiose, voyons,

Les signes qui résultent d’un leaky gut:

  • Troubles de la digestion: ballonnements, douleur…
  • Douleurs abdominale
  • Nombreuses intolérance ou sensibilité alimentaire, voire allergies

 

Conséquence : Inflammation chronique qui induit  un déséquilibre :

 

Endocrinien (système hormonal perturbé)

Immunitaire. Nos cellules de l’immunité sont en charge de détecter et de détruire tout ce qui n’est pas reconnu comme simple nutriment ou du soi. Notre microbiote est la première ligne de défense dans note corps. Si celle-ci n’est pas capable de nous protéger, nous avons plus de risque d’être infecté.

Nerveux. Nous avons plus de neurones au niveau de nos intestins que dans le cerveau d’un chien ! Les personnes dans le coma ne peuvent respirer sans aide médicale, mais leurs intestins continuent de fonctionner.  Les bactéries  opportunistes (les pas-très-sympas qui sont là pour uniquement pour les repas -gratuits), produisent des toxines qui paralysent nos cellules nerveuse musculaires de nos intestins causant un inconfort, une distension abdominale et parfois une constipation. De plus, lorsque ces bactéries opportunistes sont proches, elles vont former un biofilm, sorte de petit cocon. Elles deviennent difficiles à éliminer, d’autant plus que des minéraux et métaux vont s’y accumuler.

 

Une inflammation chronique engendre des maladies chroniques

 

Conséquences de la dysbiose.

Elles sont nombreuses et ne touchent pas seulement le tube digestif. Elles peuvent toucher la sphère ORL, provoquer des symptômes cutanés, des allergies, un gain de poids voir même une obésité, un état dépressif…

 

 

Comment éviter la dysbiose ?

Non, il ne suffit pas de se gaver de probiotiques pour que tout redevienne beau et joli. Si votre microbiote est surpeuplé d’un type de bactéries qui devient néfaste, vous ne voulez pas encourager leur croissance ! Voici quelques actions à mettre en place :

    • Apprendre à gérer son stress

 

    • Pratiquer une activité physique. Une expérience conduite sur les rats a montré que ceux qui couraient le plus produisent plus de butyrate, notre super acide gras dont j’ai développé les bénéfices précédemment.

 

    • Modifier son alimentation : riche en végétaux, diversifiée, équilibrée en sucres, protéines et graisses riches en oméga-3 et en polyphénols. Ces derniers encouragent la croissance de certaines bactéries et prévenir ainsi la non-colonisation de bactéries moins sympathiques dans nos intestins, tel que Escherichia coli. Vous avez très probablement connu un excès de cette dernière … si si, souvenez-vous de votre dernière diarrhée… !

 

    • Éviter les médicaments quand cela n’est pas nécessaire, et faites une cure de probiotiques suite à un traitement antibiotique. Les médicaments peuvent être utiles, mais ils sont souvent utilise pour calmer les symptômes et non la cause. Dans Clean Gut, Ph Junger explique très bien le phénomène : c’est comme si l’on peignait les feuilles d’un arbre malade au lieu de s’occuper de ses racines.

 

    • Privilégier l’allaitement et la naissance par voies naturelle. Il a été prouvé que les enfants naissant par césarienne et donc ne jouissant pas des bactéries de la flore vaginale de la maman, avait des intestins plus fragile. Le lait maternel est riche en probiotique naturels, bénéfiques a l’enfant, et en lactoferrine, protéine qui accélère la maturation des cellules intestinales.

 

 

Pour rappel, notre microbiote devient mature l’âge de trois ans. Les premières années de la vie sont primordiales, mais garder une alimentation bénéfique à notre microbiote à long terme l’est encore plus.

 

 

Certains aliments sont des protecteurs naturels comme les aliments riches en glutamine. Le L-glutamine est un acide aminé que nos bactéries adorent. Il contribue à la santé de nos cellules épithéliales. On le trouve dans les oléagineux et dans les légumineuses.

 

 

On peut aussi nommer les boissons fermentées, le kéfir, les légumes tels que les topinambours, les oignons. On n’oublie pas bien sur l’ail, les épices et les herbes.

 

Et les gènes dans tout ca ?

Ah la génétique ! « Je suis comme ça mais ce n’est pas de ma faute, toute ma famille est pareille »! Non non non !!! Certes nous avons des prédispositions génétique, mais les gènes ne s’expriment que dans un certains environnement. C’est le principe de l’épigénétique.

 

 

Si vous avez la même hygiène de vie que notre père qui a du diabète, alors oui, l’expression de ce gène a plus de risque de s’exprimer. En revanche, si vous mettez en place un mode de vie sain, ce gène ne s’exprimera pas obligatoirement.

 

De plus, comme vu précédemment, nous avons 10 fois plus de bactéries que de cellules dans notre corps. Ces bactéries ont elles aussi des gènes qui communiquent avec les nôtres.

 

Le microbiote des vrais jumeaux partage environ 50% des principales familles de microbes, quand la population d’un même environnement partage 40%. La génétique joue un rôle, mais n’explique pas tout.

 

 

A retenir

Si vous deviez ne retenir qu’une chose de cet article, souvenez-vous que la majorité des maladies chroniques aujourd’hui, sont la cause d’une dysbiose et d’une inflammation des intestins due à une perméabilité intestinale, elle-même générée par une alimentation déséquilibrée, et une mauvaise hygiène de vie.

 

J’espère que cet article vous aura plu et permis de vous faire comprendre l’importance de l’alimentation dans votre santé.

 

Voyez votre microbiote comme un jardin dont vous êtes responsable. Vous devez prendre garde à ce que le sol (vos intestins) soit riche en nutriments pour que les plantes (micro-organismes) poussent. Vous devez faire attention aux mauvaises herbes (aliments ultra-transformés) et aux toxiques qui peuvent altérer la croissance et provoquer des maladies. Vous voulez cultiver une grande variété de plantes possible, la diversité, c’est la clé !

 

 

 

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Pour aller plus loin

Voici quelques sources qui m’ont permis d’écrire cet article:

  • Le charme discret de l’intestin Guilia Enders
  • The diet myth, Tim Spector
  • Clean Gut Alejandro Junger
  • Site de l’Inserm, dont l‘étude sur le régime riche en lipides sur les souris
  • Le quotidien du patient
  • La Nutrition.fr
  • The microbiome diet, Raphael Kellman

 

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