L’analyse du microbiote, pour ou contre ?
L’analyse du microbiote est un test de plus en plus populaire et accessible. Mais-ce vraiment utile ?
Personnellement, j’étais très septique et je ne le conseillais pas.
Toutefois, mon avis n’était pas affiné et sans réelle recherche effectué.
Je me suis donc plongée depuis plusieurs mois (bon, à ce stade ça fait au moins 1 an) dans des webinaires et dans la littérature scientifique.
Voici donc un article qui explique ce qu’est l’analyse du microbiote intestinale, quel est son intérêt et ce qu’il mesure. Je partage également mon avis.
L’intérêt de connaitre son microbiote
Avant tout chose, on peut se poser la question : pourquoi est-il intéressant d’en savoir plus sur la composition de son microbiote intestinal?
Si le lien entre microbiote et troubles digestifs est assez rapide à faire, il l’est moins pour d’autres pathologies.
Or, on sait et on découvre aujourd’hui que de nombreuses pathologies sont liées à une dysbiose (déséquilibre du microbiote intestinal):
- Endométriose. Une étude a été mené chez la souris. Les chercheurs ont pris deux souris atteintes d’endométriose et ont en guérit l’une d’elle. En réalisant une transplantation fécale de la souris toujours atteinte d’endométriose à la souris guérie, cette dernière a développé de nouveau de l’endométriose (Jiang et al., 2021). Ceci n’est qu’un exemple, et le lien entre dysbiose et endométriose est connu aujourd’hui (Jeffery et al., 2012; Laschke & Menger, 2016)
- SOPK. Les recherches montrent que l’on retrouve une dysbiose chez les femmes atteintes de SOPK , et moduler le microbiote est l’une des stratégies de prise en charge du SOPK (Wang et al., 2021).
- Diabète (Bielka et al., 2022)
- Surpoids, obésité (Carding et al., 2015)
- Maladies auto-immunes (Mousa et al., 2022)
- Maladie cœliaque (Akobeng et al., 2020)
- Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI) (Carding et al., 2015)
- …
Bref, en savoir davantage sur son microbiote afin de le moduler peut grandement aider!
Pourquoi je n’étais pas convaincue par l’analyse du microbiote (à la base)
Avant de m’y intéresser, j’ai reçu un certain nombre de patients ayant réalisé l’analyse de leur microbiote. J’ai constaté que les conseils étaient similaires (ou du moins semblaient) : il faut manger plus de prébiotiques (aliments des bactéries).
Certes, il existe de nombreux prébiotiques différents, et en fonction de leur type on nourrit davantage une espèce plus qu’une autre. Mais il faut rappeler qu’un microbiote sain c’est un microbiote riche et varié et que pour l’obtenir, et bien il faut manger de tout et de tout un peu.
Or, les personnes réalisant l’analyse du microbiote souffrent très souvent de troubles digestifs, notamment des ballonnements et gaz en excès.
Apporter des prébiotiques ne devrait faire qu’empirer le problème.
De plus, en ayant une alimentation variée, on devrait avoir un microbiote diversifié.
On devrait….
C’était sans compter l’usage d’antibiotiques, de xénobiotiques types additifs, pesticides, de la pilule contraceptive, de l’alcool, du stress chronique…
De plus, à l’époque je n’avais pas toutes les connaissances que j’ai actuellement. Je passais donc à côté d’informations précieuses.
Analyse du microbiote, qu’est-ce que l’on mesure
L’analyse du microbiote n’est pas un simple comptage des bactéries – qui ne serait pas pertinent. En effet, de nombreuses espèces sont dites anaérobiques, c’est-à-dire qu’elles meurent en présence d’oxygène.
L’analyse métagénomique du microbiote intestinal consiste à séquencer le matériel génétique des micro-organismes contenu dans un échantillon de selles.
Quelles informations nous apporte l’analyse métagénomique du microbiote
L’analyse du microbiote nous fournit un certain nombre d’informations.
La diversité du microbiote
Tout d’abord, on va regarder la diversité globale du microbiote.
Il n’existe pas de microbiote parfait, mais la diversité est un des facteurs d’un microbiote de qualité. L’indice de diversité (appelé indice de Shannon) est une vue globale.
On va ensuite zoomer sur les phyla.
Vue globale sur la répartition des phylas
Les phyla sont les grandes catégories de bactéries. Le principal phylum est les Firmicutes dont les bactéries du genre Lactobacillius (très connu dans les probiotiques) font partie. Vient ensuite les Bactéroidetes, l’Actinobacteria dont font partie les Bifidobacteriums, les Proteobacteria, les Verrucomicriobia dont Akkermensia municiphila est la majoritaire.
On a également les Euryarchaeota qui ne sont pas vraiment des bactéries, mais des archées, dont Méthanobrevibacter, bien connu en cas d’IMO fait partie.
L’analyse du microbiote nous permet de mettre en évidence la proportion de ces phyla dans notre microbiote.
Zoom sur les genres bactériens des phyla
Chaque phyla possèdes plusieurs genres de bactéries qui vont être mesurées qualitativement et quantitativement. Alors que certains genres bactériens sont bénéfiques, d’autres sont dits opportunistes et peuvent devenir problématiques en cas de prolifération excessive.
En gros, il y a des bactéries sympas et d’autres moins dans chaque phyla… comme dans toutes les familles me disait récemment un patient !
L’analyse du microbiote permet également de mettre en évidence la présence d’archées, micro-organisme producteur de méthane, et autres bactéries productrices de gaz délétères à la santé.
Estimation de la production d’acides gras à chaine courtes
Cette analyse nous permet d’évaluer indirectement la production d’acides gras à chaines courtes (AGCC), dont le butyrate, nourriture favorite de nos cellules du colon.
En résumé, l’analyse du microbiote :
- Informe sur la diversité du microbiote.
- Apporte une vue globale sur la répartition des phyla, soit les grandes familles de bactéries
- Donne une indication plus fine de la présence des bactéries bénéfiques et pathobionte, soit des espèces potentiellement pathogènes, et de leur quantité
- Permet d’évaluer indirectement la production production d’acides gras à chaines courtes (AGCC) dont le butyrate
- Mets en évidence la présence d’archées (Methanobrevibacter)
- Mets en évidence la présence de bactéries productrices de gaz délétères à la santé
Par ailleurs, avec l’expérience et en fonction du contexte, on peut aussi « lire entre les lignes » et mettre en avant un risque d’hyperperméabilité intestinale, d’inflammation, ou de SIBO/IMO.
Analyse du microbiote, mise en garde
Comme toutes analyses, il est essentiel d’interpréter les résultats selon le contexte.
Contrairement à ce que l’on peut penser, l’usage de probiotiques ne permet pas de repeupler le microbiote avec les souches présentes.
Aussi, il faudra, selon besoin, utiliser l’alimentation, l’usage de fibres prébiotiques spécifiques et de micronutriments.
Comme je vous le disais, la raison principale pour laquelle je trouvais l’analyse du microbiote peu utile était que les conclusions paraissaient souvent similaires : il fallait favoriser tel type de fibres par rapport à une autre. Et comment faire consommer plus de fibres à une personne qui ballonne déjà ?! Et bien tout simplement en choisissant le type et le dosage approprié!
Sans compter que les fibres ne sont pas les seuls éléments capables de moduler le microbiote ! Oméga-3, polyphénols… vont grandement l’influencer.
Avec du recul et une meilleure compréhension de ces analyses, il est possible de personnaliser davantage les recommandations en fonctions des résultats.
Les côtés négatifs de l’analyse du microbiote
L’analyse métagénomique du microbiote reste un test récent. Le microbiote intestinal nous réserve encore des surprises et la recherche évolue en permanence.
On a actuellement de nombreuses informations sur les espèces microbiennes, leurs effets bénéfiques, ou au contraire, de leurs potentiels risques. Toutefois, même si l’on sait que certaines bactéries favorisent ou inhibent la croissance d’autres, il reste difficile de déterminer avec précision comment toutes ces espèces interagissent entre elles.
Il ne faut pas non plus oublier que l’on présente majoritairement les espèces bactériennes, mais que nous hébergeons aussi des virus, des levures et autres microbes qui ne sont pas mesurer dans tous les tests du microbiote.
J’attends avec impatience les résultats de la grande campagne française visant à cartographie le microbiote des Français (Le French Gut) démarrée en 2022 par l’INRAE.
L’autre désavantage peut être le prix. Mais franchement, cette analyse est de plus en plus accessible. Compter 165€ chez Lims (à l’heure où j’écris cet article soit le 03/24).
Dans quelles situations l’analyse du microbiote peut être utile
Selon moi, plusieurs cas de figure :
- Par curiosité, en prévention. En effet, si l’on détecte une diversité faible ou la présence de bactéries opportunistes potentiellement pathogènes, on peut agir avant que des désordres digestifs surviennent (ou autres pathologies)
- En cas de troubles digestifs non soulagés par des stratégies mis en place au préalable
- En cas d’antécédents familiaux ou personnels de maladie type cancer du tube digestif, MICI, maladie cœliaque
- Post cancer (la chimio est une « arme de destruction massive du microbiote »), ou prise d’antibiotiques à répétition pour une ou diverses pathologies
- En cas de difficultés à perdre du poids et dont des pistes courantes ont été écartées
Le pour et le contre – mon avis
Arguments en faveur | Arguments contre |
Mise en évidence d’espèces potentiellement pathogènes – rôle préventif s’inscrivant dans la médecine des 5P (Préventive, Prédictive, Preuves, Personnalisée, Participative)
Permets d’être acteur et actrice de sa santé grâce à la mise en évidence de l’impact de son hygiène de vie sur son microbiote
Les recommandations seront alimentaires, micronutritionnelles, sur l’hygiène de vie, et donc très pratico-pratique |
Le prix (même si selon moi ce test reste abordable)
La recherche évolue et il reste encore beaucoup à découvrir |
Il est essentiel de demander l’interprétation par un praticien formé car la lecture « simple » de l’analyse omettra de nombreuses informations.
En conclusion
L’analyse métagénomique du microbiote nous apporte des informations précieuses qui sont toutefois à remettre dans le contexte du pourquoi cette analyse a été demandé. Ce n’est en aucun cas un test qui révolutionnera à lui seul votre santé.
Le principal point fort est, selon moi, de mettre en évidence la présence de bactéries à caractères potentiellement pathogènes, et donc agir en prévention.
Ce test permet également d’identifier le manque de certaines souches importantes, comme celles productrices de GABA, neurotransmetteur « relaxant » et jouant un rôle important dans la sensibilité viscérale et la réponse au stress.
Il est également un superbe moyen visuel de voir que l’alimentation actuelle et l’hygiène de vie impactent sur la diversité et la répartition microbienne, et qu’en apportant des modifications alimentaires et micronutritionnelles concrètes, on peut voir rapidement une amélioration.
Toutefois, de nombreuses autres analyses peuvent être parfois plus pertinentes ou peuvent venir compléter l’analyse du microbiote intestinal. Leur choix dépendra de votre situation, mais on peut citer par exemple les dosages de la LPB et de la zonuline reflétant l’hyperperméabilité intestinale.
Sans compter bien sur les analyses micronutritionnelles qui restent selon moi la base.
Vous souhaitez analyser votre microbiote ? N’hésitez pas à me contacter !