La pilule peut-elle être à l’origine des troubles digestifs chroniques?
Avant-propos : je ne suis pas « anti-pilule », mais je pense qu’il y a une grande ignorance envers les effets secondaires de ce moyen de contraception. Mon but est donc ici de vous informer des possibles liens entre vos troubles digestifs et la prise de la pilule.
La pilule pourrait-elle être à l’origine de vos symptômes digestifs ?
Dans une médecine ou l’on sépare les organes des uns des autres, faire l’hypothèse vos troubles digestifs pourraient être dû à la pilule contraceptive est parfois vu avec méfiance.
Pourtant, vous allez vite comprendre que ce petit comprimé pris au quotidien (ou presque) par 36.5% des françaises (Rahib et al., 2017), est loin d’être anodin.
On l’oublie, mais la pilule contraceptive est un médicament, et comme tout médicament, elle a des effets secondaires pouvant être plus ou moins graves, et dont les liens avec d’autres symptômes peuvent être plus ou moins faciles à faire.

Qu’est-ce-que réellement la pilule contraceptive et comment fonctionne-t-elle?
Non, la pilule ne contient pas de « vraies » hormones (œstrogènes et progestérone), mais des œstrogènes de synthèse et de la progestine (Palmery et al., 2013).
Ça, c’est dit.

Source: https://www.larabriden.com/

Comme vous pouvez le voir, le levonorgestrel (l’un des progestatifs utilisés dans les pilules contraceptives) est moléculairement plus proche de la testostérone que de la progestérone! (d’où parfois une perte de cheveux et un gain de poids mais c’est encore un autre sujet).
De par leur structure moléculaire différentes, la façon dont hormones contenues dans la pilule contraceptive interagissent sur les récepteur sera différente de celle exercée par les hormones naturelles.
Via les hormones de synthèse qu’elle contient, la pilule induit un rétrocontrôle négatif et va dire à l’hypophyse (petite glande située dans notre cerveau) « Salut toi ! Dis, il y a plein d’hormones qui circulent donc arrête de produire de la FSH (hormones induisant le développement des follicules et permettant l’ovulation). L’hypophyse va donc stopper toute production d’hormones sexuelles.
La pilule bloque donc la majorité des hormones sexuelles par notre corps, et remplace ces hormones par des molécules similaires, mais non identiques.
Par conséquent, dans la majorité des cas l’ovulation ne se fait pas. La glaire cervicale et épaissie et va bloquer les spermatozoïdes dans leur course vers l’ovule.

Source wikimedia – cycle des sécrétions hormonales « normale » (=sans pilule). Sous pilule, ces sécrétions sont lissées.
Effets secondaires* de la pilule contraceptive
*liste non exhaustive
Il suffit de lire la notice. Voici ci-dessous un exemple des effets indésirables possibles des pilules leeloo et jasmine.


Alors que la pilule jasmine induit fréquemment des douleurs abdominales, la pilule leeloo elle, met directement à risque de candidose et d’inflammation. L’inflammation est le lit de toutes les pathologies, « syndrome de l’intestin irritable » compris.
La sensation d’inconfort de ballonnements peut être due aux progestatifs des pilules qui peuvent favoriser la rétention de sel et d’eau (Gebel Berg, 2015).
Pourtant, certains effets de la pilule contraceptive pourtant bien connus ne sont pas écrit noir sur blanc.
Déficits nutritionnels
Comparées aux femmes ne prenant pas la pilule, celles sous contraceptif hormonal ont des taux plus bas en zinc, magnésium, sélénium, vitamines du groupe B (vitamine B2, B6, B9, B12), vitamine C et E (Palmery et al., 2013).
Un ou plusieurs de ces déficits n’est pas sans conséquence.
Le corps est une machine. S’il vient à manquer de nutriments, alors son fonctionnement sera altéré.
Par exemple, le zinc est essentiel à la santé digestive via son action sur le système immunitaire. Le magnésium lui aura un grand rôle à jouer dans la régulation du péristaltisme (= « mouvements ») intestinal.
Ces déficits peuvent également impacter le fonctionnement de la thyroïde avec des conséquences plus ou moins dramatiques.
Hypothyroïdie
Les hormones de synthèse favorisent l’hypothyroïdie par des mécanismes que je ne détaillerai pas ici (je ne veux pas vous perdre en si bon chemin !) (Qiu et al., 2021).
Or, une mauvaise fonction thyroïdienne impacte grandement les fonctions digestives comme expliqué dans cet article.
Retrouvez également l’ebook pour apprendre à détecter les signes de l’hypothyroïdie et découvrir comment prendre soin de sa thyroïde.

Inflammation, le "nerf de la guerre"
Une étude à mise en évidence que les femmes sous pilule contraceptive avaient une CRP (marqueur de l’inflammation) plus élevé que les femmes ne prenant pas la pilule (Dreon et al., 2003).
De façon plus directe, une autre étude a montré que les contraceptifs oraux peuvent augmenter le risque de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique). Les mécanismes exacts ne sont pas bien compris, mais il est suggéré que les hormones de synthèse peuvent perturber l’équilibre normal du microbiote intestinal, entraînant une inflammation (Cornish et al., 2008).
Anxiété & dépression
Certaines études ont mise en évidence un risque de dépression accru chez les femmes prenant la pilule contraceptive, en particulier chez l’adolescente (de Wit et al., 2020; Lewis et al., 2019; Skovlund et al., 2016) même si toutes les études n’ont pas démontré de liens (McKetta & Keyes, 2019).
Quand on sait que les patients ayant un SII ont des niveaux d’anxiété et de dépression plus élevés que le reste de la population (Fond et al., 2014), la prise de la pilule pourrait aggraver l’anxiété et les troubles digestifs chez les individus sensibles.

Microbiote, estrobolome & hormones
Des récepteurs aux œstrogènes et à la progestérone ont été retrouvé dans le tube digestif, suggérant ainsi que ces hormones affectent notre tube digestion.
Lorsque les taux d’œstrogènes et de progestérone chutent (déclenchant ainsi les menstruations), des symptômes tels que des ballonnements, diarrhées, nausées peuvent survenir ou s’aggraver.
Une étude a mis en évidence que les femmes expérimentent des symptômes intestinaux durant leur cycle menstruel, et celles ayant un SII ont des symptômes plus prononcés (Heitkemper & Jarrett, 1992).
Le déclin de la prévalence du SII après la ménopause suggère que les fluctuations hormonales jouent un rôle (Peters et al., 2022).
La prise de la pilule contraceptive (qui pour rappel « lisse » les sécrétions hormonales), pourrait alors avoir un effet bénéfique.
Toutefois, une étude a montré que le microbiote des femmes sous pilule contraceptive est moins diversifié que les femmes sans contraception hormonale (Mihajlovic et al., 2021).
Sachant qu’un microbiote diversifié est préférable, et que la prise d’hormones de synthèse induit de effets indésirable dans de nombreux cas, je ne pense pas que prendre la pilule soit la solution à vos troubles digestifs.

Au sein de notre microbiote on trouve l’estrobolome. L’estrobolome est un ensemble de microbes jouant un rôle central dans la régulation des hormones, notamment les œstrogènes.
Une fois après avoir effectués leurs actions, les œstrogènes sont « désactivés » par le foie, puis relargués via la bile dans le tube digestif pour être éliminés dans les selles.
L’estrobolome lui, via une enzyme (beta-glucuronidase), peut « réactiver » les oestrogènes qui pourront alors être réabsorbés par le corps (Baker et al., 2017).
Cette enzyme joue également un rôle dans la dégradation des glucides complexe, la réadoption de certains nutriments comme les flavonoides.
Ce recyclage est normal et permet au corps de réguler la quantité d’hormones circulantes en fonction de ses besoins.
Toutefois, une dysbiose (déséquilibre) de l’estrobolome peut induire un excès ou manque de beta-glucuronidase va affecter l’équilibre fragile du taux d’œstrogènes.
Une dysbiose peut donc favoriser une dominance oestrogénique et donc et peut contribuer au développement de maladies telles que l’obésité, le SOPK, l’endométriose, maladies cardiovasculaires, et certains cancer (Baker et al., 2017).

En résumé
Le lien entre pilule contraceptive et SII n’est pas encore établie de manière directe (T Bird et al., 2012)
Toutefois, la pilule a de nombreux effets secondaires qui affectent l’ensemble du corps, dont la digestion.
Vous expérimentez des troubles digestifs et votre vie est régit par ces derniers ?
Vous souhaitez arrêter la pilule mais (comme il l’est fortement recommandé), vous souhaitez être accompagnée ?
Contactez-moi pour en discuter.
Bibliographie
Baker, J. M., Al-Nakkash, L., & Herbst-Kralovetz, M. M. (2017). Estrogen–gut microbiome axis: physiological and clinical implications. Maturitas, 103, 45-53.
Cornish, J. A., Tan, E., Simillis, C., Clark, S. K., Teare, J., & Tekkis, P. P. (2008). The risk of oral contraceptives in the etiology of inflammatory bowel disease: a meta-analysis. Official journal of the American College of Gastroenterology| ACG, 103(9), 2394-2400.
de Wit, A. E., Booij, S. H., Giltay, E. J., Joffe, H., Schoevers, R. A., & Oldehinkel, A. J. (2020). Association of use of oral contraceptives with depressive symptoms among adolescents and young women. JAMA psychiatry, 77(1), 52-59.
Dreon, D. M., Slavin, J. L., & Phinney, S. D. (2003). Oral contraceptive use and increased plasma concentration of C-reactive protein. Life sciences, 73(10), 1245-1252.
Fond, G., Loundou, A., Hamdani, N., Boukouaci, W., Dargel, A., Oliveira, J., Roger, M., Tamouza, R., Leboyer, M., & Boyer, L. (2014). Anxiety and depression comorbidities in irritable bowel syndrome (IBS): a systematic review and meta-analysis. European archives of psychiatry and clinical neuroscience, 264(8), 651-660.
Gebel Berg, E. (2015). The chemistry of the pill. In: ACS Publications.
Heitkemper, M. M., & Jarrett, M. (1992). Pattern of gastrointestinal and somatic symptoms across the menstrual cycle. Gastroenterology, 102(2), 505-513.
Lewis, C. A., Kimmig, A.-C. S., Zsido, R. G., Jank, A., Derntl, B., & Sacher, J. (2019). Effects of hormonal contraceptives on mood: a focus on emotion recognition and reactivity, reward processing, and stress response. Current psychiatry reports, 21(11), 1-15.
McKetta, S., & Keyes, K. M. (2019). Oral contraceptive use and depression among adolescents. Annals of epidemiology, 29, 46-51.
Mihajlovic, J., Leutner, M., Hausmann, B., Kohl, G., Schwarz, J., Röver, H., Stimakovits, N., Wolf, P., Maruszczak, K., & Bastian, M. (2021). Combined hormonal contraceptives are associated with minor changes in composition and diversity in gut microbiota of healthy women. Environmental Microbiology, 23(6), 3037-3047.
Palmery, M., Saraceno, A., Vaiarelli, A., & Carlomagno, G. (2013). Oral contraceptives and changes in nutritional requirements. Eur Rev Med Pharmacol Sci, 17(13), 1804-1813.
Peters, B. A., Lin, J., Qi, Q., Usyk, M., Isasi, C. R., Mossavar-Rahmani, Y., Derby, C. A., Santoro, N., Perreira, K. M., & Daviglus, M. L. (2022). Menopause Is Associated with an Altered Gut Microbiome and Estrobolome, with Implications for Adverse Cardiometabolic Risk in the Hispanic Community Health Study/Study of Latinos. mSystems, e00273-00222.
Qiu, Y., Hu, Y., Xing, Z., Fu, Q., Zhu, J., & Su, A. (2021). Birth control pills and risk of hypothyroidism: a cross-sectional study of the National Health and Nutrition Examination Survey, 2007–2012. BMJ open, 11(6), e046607.
Rahib, D., Le Guen, M., & Lydié, N. (2017). Baromètre santé 2016. Contraception. Quatre ans après la crise de la pilule, les évolutions se poursuivent. Santé publique France, 1-8.
Skovlund, C. W., Mørch, L. S., Kessing, L. V., & Lidegaard, Ø. (2016). Association of hormonal contraception with depression. JAMA psychiatry, 73(11), 1154-1162.
T Bird, S., Liu, W., M Brophy, J., Bressler, B., AC Delaney, J., & Etminan, M. (2012). Irritable bowel syndrome and drospirenone-containing oral contraceptives; a comparative-safety study. Current Drug Safety, 7(1), 8-15.

Patate douce farcie au millet

Codes promo
Vous aimerez aussi

Tortilla sans gluten pauvre en FODMAPs
janvier 19, 2021
Comment rester positif pendant le régime pauvre en FODMAPs?
septembre 14, 2021