Régime pauvre en FODMAPs, quels sont les risques ?
Je vois très (trop) régulièrement des patient.es en consultation qui suivent une alimentation pauvre en FODMAPs depuis des mois.
Or, le régime pauvre en FODMAPs, qui devrait d’ailleurs s’appelé selon moi « méthode » ou « protocole », n’est en aucun cas fait pour être suivi sur le long terme.
La phase de restriction (phase 1) doit ne durer que 4 à 8 semaines et doit être suivie d’une phase de réintroduction des aliments.
Suivre une alimentation pauvre en FODMAPs au-delà de cette période n’est pas recommandé et devient délétère à votre santé.
Même en sachant cela de nombreuses personnes resteront en phase 1 car elles ressentent une amélioration et craignent de réintroduire les aliments. Aucun jugement, je vous comprends mais sachez que si vous réagissez au moindre « écart », le problème ne vient pas des FODMAPs, mais de votre système digestif qui ne tolère plus rien.
C’est pourquoi j’ai voulu apporter plus de détail sur les risques (je pèse mes mots) d’une alimentation pauvre en FODMAPs à moyen/long terme.
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Premièrement, évoquons les risques liés au régime pauvre en FODMAPs même en respectant le protocole
Parce oui, comme toute méthode, il y a des risques et certaines contre-indications, d’où l’importance de se faire accompagner !
Alors que de nombreuses personnes parlent « d’alimentation sans FODMAPs », il faut plutôt dire « pauvre en FODMAPs ».
Restrictions alimentaires, l’impact sur sa relation avec la nourriture
En effet, la majorité des aliments possèdent un ou plusieurs de ces sucres (bénéfiques à notre microbiote et donc notre santé) et manger sans FODMAPs est casi impossible (du moins s’il l’on vise une alimentation équilibrée).
Il est donc possible (et nécessaire) de consommer la majorité des aliments, mais en veillant à ne pas dépasser une certaine quantité.
Cela induit donc de peser ses aliments (fruits et légumes majoritairement).
Peser ses aliments n’est pas normal et engendre un rapport avec l’alimentation pas très sain.
Chez les personnes les plus fragiles, le fait de devoir contrôler les portions peut induire des troubles du comportement alimentaire (TCA).
De plus, le risque de voir les aliments comme des coupables et responsables de vos symptômes grandit. Or, ce ne sont généralement pas les aliments le problème, mais le fait que vous ne parveniez pas à les digérer.
Risques de carences et donc aggravation des symptômes
Des études ont montré que les individus ayant le SII étaient à risque de développer des troubles de santé en lien avec leurs restrictions alimentaires (Hujoel, 2020)
Catassi et al. 2017, suggèrent que les personnes suivant un régime pauvre en FODMAPs sont à risques de voir leur apports en fibres, calcium, fer, zinc, folates (vitamine B9), vitamine D vitamine C, en vitamines du groupe B et en antioxydants diminués (Catassi et al., 2017).
Ces risques sont davantage présents chez les personnes ayant un accès limité aux alternatives pauvres en FODMAPs (notamment du à leurs couts généralement plus élevés (Catassi et al., 2017).
Le corps est une magnifique machine et a besoin d’une myriade d’éléments pour bien fonctionner.
Des déficits en certains nutriments ne sont pas sans conséquence. Selon les nutriments déficitaires, des symptômes peuvent survenir (dont des troubles digestifs!), voire des maladies à moyen/long terme.
Restrictions alimentaires et troubles digestifs
Restreindre son alimentation peut avoir un effet sur les quantités ingérées. Nombreuses personnes perdent du poids alors que ce n’est absolument pas le but !
Or, couvrir ses besoins en macronutriments (protéines, lipides, glucides) et micronutriments (vitamines, minéraux, oligo-éléments, antioxydants…) est fondamental à la santé, notamment pour soutenir les fonctions digestives de l’organismes.
Restrictions alimentaires → baisse d’apports nutritionnels → augmentation du risque de carences → moins bonne digestion → troubles digestifs → restrictions alimentaires
Un véritable cercle vicieux !
Perturbations hormonales
De plus, la perte de poids (mais aussi l’apparition de carences alimentaires), va affecter le système hormonal.
S’il l’on ne prend qu’un exemple, on sait que la restriction calorique et certaines carences (fer, iode, zinc, ect.) va fragiliser les fonctions thyroïdiennes.
Or, de bonnes fonctions thyroïdiennes sont indispensable à la digestion ! On revient toujours au même cercle vicieux.
Appauvrissement du microbiote et baisses de composés bénéfiques
Le but de l’alimentation pauvre en FODMAPs est d’éviter la sur-fermentation par les bactéries. Toutefois, en privant nos bactéries de nourriture, celles-ci ne vont plus pouvoir produire des éléments indispensables à notre santé.
Et oui, si vous ne le saviez pas encore, sachez que sans nos 2 kg de bactéries logées dans notre ventre, on ne vivrait pas longtemps !
Ces bactéries vont produire notamment des acides gras à chaine courtes, comme le butyrate, qui sont extrêmement bénéfiques à notre santé intestinale. Ces acides gras nous protègent même contre le cancer du côlon (Andoh et al., 2003).
Le régime pauvre en FODMAPs appauvrie le microbiote (Halmos et al., 2015). Dès 4 semaines de régime pauvre en FODMAPs, la diversité microbienne est affectée et on observe une réduction de Bifidobacteria (Staudacher et al., 2012)
Moins de FODMAPs (fibres prébiotiques) → bactéries moins nourries → baisse de la production d’acides gras à chaine courte, vitamines, ect. → impact sur la santé
L’alimentation pauvre en FODMAPs a un impact sur le microbiote, mais ces effets sont encore peu connus (Halmos et al., 2015; Staudacher et al., 2012)
Impact sur la vie sociale et santé mentale
Mais tout n’est pas une question de nutrition.
S’imposer une alimentation pauvre en FODMAPs s’est aussi s’isoler socialement.
Devoir refuser des invitations de peur de ne pas pouvoir manger ou d’être gênée d’imposer son régime alimentaire peut devenir un gros poids au niveau de la santé mentale.
En résumé
Suivre une alimentation pauvre en FODMAPs au-delà de 6 semaines est à risque de :
- Développer des carences alimentaires
- Perdre du poids
- Appauvrir son microbiote et donc des composés bénéfiques à notre santé
- Développer un déséquilibre hormonal
- S’isoler socialement
- Développer des TCA
Tous ces éléments fragiliseront la digestion (et la santé en générale), et donc l’intolérance envers les aliments
Alors que faire ?
On ne cessera de le répéter, se faire accompagner lorsque l’on a des troubles digestifs et que l’on souhaite mettre en place le régime pauvre en FODMAPs (ou pas d’ailleurs), est primordial.
Modifier ses habitudes alimentaires n’est pas anodin, et à trop vouloir bien faire on peut avoir les effets contraires.
Eviter des aliments/groupes d’aliments n’est pas sans risque. Un diététicien peut évaluer vos apports et les corréler avec vos besoins, pouvant ainsi mettre en évidence certains déficits par le manque d’apports. La clinique, soit vos symptômes peuvent aussi mettre sur la piste (un exemple connu : les crampes et la paupière qui tressaute suggèrent un déficit en magnésium).
Je suis consciente que l’accès à des professionnels formés n’est pas une mince affaire (j’ai moi-même été en errance médicale pendant plusieurs années).
C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai créé un programme en ligne dédié au protocole FODMAP.
Le but de ce programme est de vous aider à mettre en place une alimentation pauvre en FODMAPs puis à réintroduire les aliments.
Ce programme peut (et cela est d’ailleurs fortement conseillé) venir en soutien à l’accompagnement que vous aurez avec un médecin, diététicien, naturopathe, sophrologue, hypnothérapeute, etc.
Plus d’info par ici!
Bibliographie
Andoh, A., Tsujikawa, T., & Fujiyama, Y. (2003). Role of dietary fiber and short-chain fatty acids in the colon. Current pharmaceutical design, 9(4), 347-358.
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